La loi du 17 août 2015, dite loi Rebsamen, a fortement modifié les obligations de l’employeur en matière de consultation du comité d’entreprise, tout en laissant un certain flou sur les modalités de l’exercice. Les instances doivent se plier à une organisation tout à fait différente de celle qu’ils ont connue par le passé.
Petit rappel pour ceux qui l’auraient manqué : la loi Rebsamen a regroupé les nombreuses consultations obligatoires du comité d’entreprise (auparavant 9 consultations pour les entreprises de moins de 300 salariés et 17 pour les plus de 300) en trois grandes consultations obligatoires :
- Orientations stratégiques de l’entreprise ;
- Situation économique et financière de l’entreprise ;
- Politique sociale de l’entreprise, conditions de travail et emploi.
Si la loi était applicable au 1er janvier 2016, les modalités d’application de ces consultations regroupées ne sont pas très claires, voire ne sont pas toujours bien définies par les textes. Dans les faits, de nombreuses entreprises ont poursuivi les consultations de CE en 2016 comme elles le faisaient par le passé, et commencent à peine à se plier au nouvel exercice. Les devoirs d’information de l’employeur étant désormais centrés au niveau de la Base de données économiques et sociales (BDES), les représentants du personnel doivent à présent digérer de nombreux documents qui ne leur sont plus forcément présentés.
Au vu d’une telle complexité (qui a pour origine une réforme de simplification !), quelques recommandations générales peuvent se révéler utiles.
Discuter avec votre Direction des modalités de consultation
Pour commencer, le calendrier n’est pas défini par la législation, contrairement à ce qui existait par le passé. Or, il s’agit de regrouper 9 à 17 sujets en 3, sur la base de documents transmis dans le cadre de la BDES.
Vous avez donc tout intérêt à anticiper les sujets et à négocier le calendrier des différentes consultations.
Sachez qu’un accord d’entreprise peut définir les modalités des consultations annuelles sur la situation économique et financière et sur la politique sociale de l’entreprise (mais pas dans le cas des orientations stratégiques – cela aurait été trop simple), ainsi que la liste et le contenu des informations récurrentes prévues pour ces deux consultations.
En l’absence de calendrier précis défini par loi, et indépendamment d’un accord, il convient de définir cet agenda avec l’employeur, quitte à « découper » l’information en plusieurs sujets spécifiques (et d’une certaine manière prolonger ce qui était jusqu’à présent la pratique des CE) par exemple pour la politique sociale de l’entreprise.
Exercer votre droit d’expertise élargi dès que le besoin s’en fait sentir
Le CE peut se faire assister d’un expert externe dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques et de la consultation sur la situation économique et financière. Pour ce qui est de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, le CE bénéficie du concours du CHSCT et peut se faire également accompagner d’un expert.
Sauf accord d’entreprise, le CE contribue à hauteur de 20 % aux frais d’expertise sur les orientations stratégiques, dans la limite du tiers de son budget annuel de fonctionnement.
Obligations d’information par l’employeur
Vérifiez que la base de données économiques et sociales (BDES), qui constitue le support des trois consultations, est correctement alimentée par l’employeur. Attention toutefois, certaines obligations ont changé. Par exemple, les employeurs de 300 salariés et plus n’ont plus l’obligation de produire un bilan social sous forme de document unique et organisé.
Délais de consultation
Les délais pour remettre un avis sont désormais fixés en priorité par un accord d’entreprise, ou par un accord entre employeur et majorité des titulaires du CE en cas d’absence de délégué syndical. À défaut, les délais sont toujours de 1 à 4 mois.
La loi Rebsamen révolutionne-t-elle la formation dans nos CE ?
Précision sur les orientations stratégiques de l’entreprise
Dans son rendu d’avis, le comité d’entreprise peut proposer des orientations alternatives. Cet avis sera transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui devra y apporter une réponse argumentée.
Pour les CCE, la consultation est organisée au niveau de l’UES, mais peut l’être au niveau du groupe, sous réserve d’un accord de groupe dédié.
Conclusion : un exercice difficile
Si le regroupement visait une simplification des exercices de consultation, il n’est pas du tout certain que cet objectif soit atteint du point de vue des représentants du personnel. Les trois consultations regroupent des sujets complexes, nécessitant d’analyser un volume important de données (en admettant que l’employeur ait au préalable correctement rempli ses obligations dans la BDES). De plus, certains sujets sont découpés artificiellement entre les consultations, comme la formation professionnelle ou le recours à l’intérim.
Les CE ont donc tout intérêt à largement anticiper ces consultations et discuter avec l’employeur de modalités permettant un travail constructif et une charge administrative réduite. Enfin, au vu des champs très vastes couverts par chaque consultation, les CE ne devraient pas non plus hésiter à recourir à des expertises. Sur ce point, les coûts pourraient fortement augmenter pour l’employeur, de même que les sollicitations. Là encore, la loi Rebsamen pourrait manquer son but.